A L’EPREUVE DES MASQUES

Le port du masque n’est pas seulement inconfortable : respiration difficile, buée sur nos lunettes, frottement des élastiques… Il altère nos échanges. Que masquent nos masques ? Et quelles conséquences sur nos interactions ou notre compréhension des autres ?

Ce qui était impensable il y a quelques mois est devenu presque familier : porter un masque en public. C’est bien mieux que d’être confiné chez soi, privé de tout lien social, et le ridicule ne tue pas, n’est-ce pas ? D’ailleurs, certains en font un objet de coquetterie, en textile divers ; d’autres, un support de messages. D’autres encore optent pour un masque transparent. Car il n’a échappé à personne que le masque couvrait une grosse moitié du visage et nous privait donc de tout un tas d’expressions que nous utilisons couramment dans nos interactions et qui sont émises dans le triangle formé par les yeux et la bouche. Qui voit désormais si, derrière ces petits bouts de tissu, nous sourions, faisons la moue ou tirons la langue ? Comment sommes-nous perçus et que percevons-nous ? Qu’extraire de tous ces face-à-face quotidiens ? Sommes-nous d’accord ou pas d’accord ? Avenants ou distants ? En guerre ou en paix ? Avons-nous envie de déguerpir ou de communiquer ?

Le sourire, notamment, est le premier signe d’apaisement des tensions dans la relation sociale (avec la poignée de main et les embrassades, que l’on s’interdit désormais ; autant dire que nous manquons de signaux de détente en ce moment !). Or, comment déceler un sourire derrière un masque ? Vous avez dû remarquer que notre observation s’est affinée ces derniers mois et nous permet de le faire assez facilement, en fin de compte, car un vrai sourire mobilise les muscles orbiculaires qui plissent les bords des yeux par exemple. Vous avez donc remarqué aussi combien nous nous appliquons à déchiffrer le regard, au-dessus du masque, puisque selon les mots de Cicéron : « si le visage est le miroir de l’âme, les yeux en sont les interprètes ». Mais à part ça… ? Le masque nous prive, c’est certain, de notre capacité habituelle à lire sans mots l’humeur et les dispositions relationnelles de l’autre autant que de communiquer sur les nôtres. Et même si nos mains, nos gestes, notre attitude envoient leurs propres signaux, même si tout notre corps parle pour nous, force est de constater que nous sommes un peu perdus sans visage à décoder. Le visage, premier lieu de la rencontre…

La peur du masque

Dernièrement, j’intervenais auprès d’un groupe d’adultes en situation de handicap, dans une communauté de vie de la région. Chaque mois, nous travaillons ensemble sur des thèmes de la vie affective, relationnelle et sexuelle. Or, après la longue séparation du confinement, le port du masque nous a offert un sujet d’échange inattendu. C’est en entendant le désarroi des participants face à l’obstruction du visage de l’autre, leur difficulté à entrer en communication avec leurs proches et visiteurs, inhabituellement dissimulés, comme « dé-figurés », et toutes les émotions que tout cela suscitait, notamment la peur, que j’ai réalisé la portée de ces masques dans notre actualité.

La peur tout d’abord. Que nous dit-elle ? Je pense à un masque de carnaval qui dissimule une personne et lui permet de se montrer autre. Je pense au grimage des clowns qui peut faire rire ou bien fuir. Je pense aux cagoules qui cachent l’identité, aux maquillages qui travestissent et à toutes les protections (casques intégraux, attributs professionnels, sportifs ou religieux, simples cache-nez) qui dé-personnifient ceux qui les portent. Oui, le port de nos masques protecteurs revêt quelque chose d’inquiétant en ce sens qu’une part de l’autre se dérobe. Il nous rend partiellement aveugle et nous prive d’indices précieux dans la compréhension mutuelle. Il renforce le sentiment de peur de l’autre, déjà présent avec l’épidémie. La peur des enfants vis-à-vis du masque ou celle entendue dans mon groupe de parole s’exprime dans la perte de ces indices et la perte de la vision claire de ce qu’est l’autre à cet instant (content, pas content, hostile ou aimable, dangereux ou non, etc.). Ce que le masque nous cache, ce sont les émotions de l’autre, cette part de son langage qui ne se dit pas mais se regarde et se détecte : comment il va, s’il est bien disposé dans la relation avec nous… La perte de l’expression faciale, non verbale, à l’image du masque vénitien, nous met face à un inconnu indéchiffrable auprès duquel nous avons du mal à évaluer notre sécurité intérieure.

Cela nous ramène à l’importance des émotions (peur, colère, tristesse, joie, surprise, amour, dégoût…) telles qu’elles interviennent dans l’établissement d’une relation. Les émotions qui s’affichent dans nos expressions faciales font passer un message, éclairent notre discours et lèvent d’éventuels malentendus, à l’image des émoticônes que l’on égraine dans nos SMS pour signifier qu’on plaisante ou qu’on est ravi…

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Elles se lisent dans un regard, un froncement de sourcil, les oscillations de la bouche, la dilatation des pupilles, un rire ou la couleur des joues, et bien entendu dans le corps tout entier (qui se dresse, se tend ou se replie, se courbe), les mouvements des bras, la saillance des muscles ou des poils, etc., ou même à travers la voix. Ce que nous laissons paraître de nous renseigne l’autre et vice-versa : nous interprétons la palette des signaux émis par nos interlocuteurs. C’est un des premiers langages échangés avec les bébés, très attentifs à toutes nos expressions. Nos ressentis accompagnent nos réalités et interfèrent avec notre pensée – parfois de manière conflictuelle. Les émotions jaillissent de notre corps en réaction à ce que nous vivons et comprenons de la réalité qui nous entoure. Difficilement contrôlables, elles disent leur propre vérité ; elles parlent de nous. Se passer d’elles, c’est se passer d’un accès à la profondeur de l’être.

La grande mascarade

Est-ce la raison pour laquelle nous essayons parfois de les cacher ? Si on y réfléchit, il existe des masques de toute sorte : des émotions feintes, des sourires qui voilent l’amertume ou l’ennui, de fausses expressions de joie, des mots qui nient ce qu’on a laissé paraître, des visages impassibles ou « de circonstance », des élans retenus, des regards fuyants, des colères qui font rempart à la tristesse, des provocations qui recouvrent la peur, des comportements désinvoltes qui dissimulent la détresse… Nous avons des codes qui nous permettent de vivre ensemble dans une société fondée sur la raison et le cartésianisme. Le sourire est une politesse et les émotions n’ont pas leur place, nous a-t-on appris, dans n’importe quelle relation ; elles sont de l’ordre de l’intime, réservées à la sphère privée et il serait indécent d’en faire état publiquement. Une idée répandue en outre est de ne pas se montrer vulnérable (ce qui est de l’ordre du « sentimental » ou du « sensible » est assimilé au « fragile »). Enfin, une autre raison de cacher nos émotions est notre libre arbitre : déterminer ce que nous voulons montrer et ne pas montrer de nous. Nous avons le droit de choisir qui recevra ce cadeau que nous faisons en nous confiant tout entiers, authentiques et animés de sentiments.

Que retenir de tout cela ? Peut-être avez-vous entendu comme moi plusieurs personnes dire que le port du masque les rendait sourds… ? Peut-être y a-t-il du sens en réalité dans cet étrange constat ! Avons-nous conscience de ce que tous nos sens mettent d’ordinaire en œuvre pour capter nos interlocuteurs et que, privés de cette part de notre perception, nous entendons forcément beaucoup moins bien ?

Anne de la Brunière – article publié dans le magazine Com’ sur un plateau n°17 – Septembre 2020
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DES DISPOSITIFS FACE AU REGAIN DES VIOLENCES

Le contexte particulier du confinement actuel constitue malheureusement un terreau favorable aux violences conjugales et intrafamiliales : la promiscuité, les tensions, l’empêchement, l’anxiété peuvent y concourir ; le confinement peut devenir pour certains une menace ou la renforcer. Depuis le 17 mars on constate une hausse des violences conjugales de 32 à 36% selon les zones géographiques, selon une annonce faite hier par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner. Et le Gouvernement a rappelé ces derniers jours les dispositifs et mesures mis en œuvre pour aider et protéger les victimes de violences. Quelques informations dont je me fais le relais :

En premier lieu, le numéro d’urgence est le 17. Pour toute situation de danger grave et immédiat, il convient de contacter ce numéro.

Violences envers les femmes

Le 3919, numéro d’écoute national « Violence Femmes Info », gratuit et anonyme, reste opérationnel en cette période de confinement : du lundi au samedi de 9h à 19h, et une écoute à distance est en place pour les femmes victimes de violences (conjugales, sexuelles, psychologiques, etc.). C’est aussi un espace d’information et d’orientation vers des dispositifs d’accompagnement et de prise en charge. (Même si en droit, il est prôné l’éviction du conjoint auteur des violences, dans les faits, force est de constater que les victimes se trouvent dans des situations de fuite ou d’extraction avec un besoin d’aide et de prise en charge: hébergement, soutien psychologique, recours juridiques, etc.).

La plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes est opérationnelle 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et disponible sur arretonslesviolences.gouv.fr. Elle permet de dialoguer avec des personnels des forces de l’ordre, formés aux violences, de manière anonyme et sécurisée. Les victimes de violences conjugales peuvent être dirigées ou se diriger elles-mêmes vers cette plateforme.

Les femmes victimes de violence pourraient enfin donner l’alerte sur leur situation dans les pharmacies, d’après une annonce faite hier mais les modalités sont à préciser dans les jours qui viennent.

vidéo diffusée par le PAVIF 76 (Pôle accueil violences intra-familiales de Seine-Maritime)

Le traitement des affaires de violences conjugales continue d’être assuré par les juridictions (temporairement fermées au public). Les audiences de comparution immédiate sont annoncées comme maintenues ainsi que le traitement des ordonnances de protection.

Violences envers les mineurs

Le 119, numéro d’appel pour l’enfance en danger, est lui aussi assuré d’une continuité de service pendant le confinement : 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il peut être appelé par les enfants et adolescents victimes, eux-mêmes, ou par les témoins, mineurs ou majeurs, visuels ou auditifs, de violences commises sur un mineur, même dans le doute et quelle que soit la nature de ces violences. L’appel, gratuit depuis tous les téléphones, n’apparaît sur aucun relevé téléphonique. 

Les associations de protection de l’enfance restent également, plus que jamais, à l’écoute pour fournir des conseils ou des orientations vers des services compétents, notamment : 

La Voix De l’Enfant : 01 56 96 03 00

L’enfant Bleu – Enfants maltraités : 01 56 56 62 62

Colosse aux pieds d’argile : 07 50 85 47 10

Stop maltraitance / Enfance et Partage : 0 800 05 1234

Des permanences sont tenues dans les tribunaux pour enfants afin de prendre des mesures de protection en cas d’urgence.

Enfin, en prévention, et pour soutenir et accompagner les parents confinés dans leur conciliation vie professionnelle / vie familiale au quotidien, qui seraient en difficulté face aux plaintes de leur(s) enfant(s), les autorités préconisent de rompre l’isolement en joignant un proche ou quelqu’un de confiance au téléphone, voire de demander de l’aide à son médecin traitant ou son pédiatre, ou encore en appelant le 15.

Le Secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes, publie un « guide des parents confinés : 50 astuces de pro » disponible sur son site…

En marge des dispositifs d’urgence, je suis pour ma part à l’écoute des personnes qui ont un besoin de parole sur les violences. Le conseil conjugal et familial est un espace approprié pour évoquer des vécus de violence et élaborer le présent, une fois en sécurité.

Anne de la Brunière, conseillère conjugale et familiale

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LE CONFINEMENT DU COUPLE

 

Je vous partage cet article sur les risques du confinement actuel sur la relation du couple. Pour parer les tensions liées à cette proximité plus qu’inattendue (donc non anticipée, non préparée, non désirée…), les notions de juste distance et d’espace nécessaire sont plus que jamais à méditer ! La temporalité aussi est à soigner : définir des moments seuls, des moments à deux, des moments en famille, des moments de travail, des moments de contrainte, et d’autres, de détente, de respiration ou de distraction. Et puis bien sûr toujours…. la parole : reparler le partage des tâches dans ce contexte inédit, échanger sur nos visons différentes du monde, réguler ensemble nos ressentis, se dire nos désirs ou nos besoins et nos limites, continuer à envisager, imaginer, projeter, rêver ensemble à…

Bon confinement ! avec le plus possible de tendresse, de solidarité et de respect de nos différences.

Anne de la Brunière, conseillère conjugale et familiale, Rouen

Tensions, divorces, inégalités… comment survivre au confinement en couple

La situation exceptionnelle peut révéler des dissensions déjà existantes au sein du couple.

Par Laure Dasinieres – https://www.lefigaro.fr

夫婦 カップル

Le confinement peut aussi accentuer les inégalités au sein du couple.       302106353/polkadot – stock.adobe.com

Cohabiter 24 heures sur 24, quand on a l’habitude de ne se voir que quelques heures par jour, cela peut vite devenir conflictuel… Et les conséquences peuvent en être graves pour les couples: un article paru le 7 mars dernier dans le quotidien chinois Global Times rapporte ainsi qu’immédiatement après la levée des mesures de confinement, le nombre de demandes de divorces a explosé dans certains districts de Xi’an, capitale de la province du Shaanxi, au nord-ouest de la Chine. Et si pour certains c’est une séparation «coup de tête» (ils reviennent ensuite sur leur demande), d’autres ne peuvent que constater que l’épidémie a aussi eu raison de leur couple.

La situation exceptionnelle peut révéler des dissensions déjà existantes au sein du couple. « Si les gens divorcent parce qu’ils sont un ou deux mois ensemble, c’est peut-être une bonne chose, remarque Jérémy Royaux, psychothérapeute. Qu’est-ce que cela aurait été une fois à la retraite ? ». Atmosphère anxiogène en moins, la mise à la retraite est effectivement aussi « une période de tensions entre des personnes jusque-là actives et qui doivent subitement vivre une coprésence longue durant la journée », note Christophe Giraud, sociologue, chercheur au Centre de recherche sur les liens sociaux.

Pour fonctionner, le couple a besoin d’espace et de distance entre soi et l’autre, de moments pour soi. S’ouvre alors « une phase de tensions car une renégociation des usages et des endroits du foyer s’impose. D’aucuns pourront alors se sentir dépossédés de certains espaces du ménage, comme la cuisine ou de certaines habitudes. La situation exige des discussions pour renégocier les horaires, les usages de la télévision, des habits (peut-on rester en pyjama toute la journée ou doit-on s’habiller ?), de la nourriture (respecte-on les horaires des repas ?)… »

Même analyse pour André Letzel, sexologue et conseiller conjugal, qui compare la situation aux vacances. Une période à l’issue de laquelle son cabinet connaît une forte demande… Le confinement ajoute une nouvelle dimension, car « chacun doit pouvoir trouver sa place dans un espace restreint avec des activités de travail, de parent, de professeur, de partenaire ».

«Être trop collés tue le désir»

Le confinement peut aussi accentuer les inégalités au sein du couple: alors que les hommes sont présents et donc tout aussi disponibles que les femmes pour contribuer à la bonne marche du foyer, le partage des tâches ne se fait pas toujours de manière égalitaire et les femmes voient leur charge mentale accrue entre travail personnel, cuisine – deux fois par jour au lieu d’une, occupation des enfants, suivi du travail scolaire et entretien de la maison.

La situation implique aussi « une redéfinition des moments où l’on est vraiment soit même, ni salarié, ni parent, ni conjoint, note Christophe Giraud. Confinés, ces moments sont rares, ce qui crée des tensions pour tous. » Pour fonctionner, « le couple a besoin d’espace et de distance entre soi et l’autre, de moments pour soi », indique André Letzel. « Être trop collés tue le désir. Il faut pouvoir s’aménager des moments pour soi pour ne pas faire du confinement un “étouffe amour” ». D’autant que le contexte oppressant « peut ne pas être propice à être dans une disposition psychique favorable au fait d’avoir des relations sexuelles. Ceci peut créer des distensions surtout si les deux partenaires ne vivent pas le confinement de la même façon ». Il faut inventer une forme de souplesse, s’efforcer de prendre soin de l’autre et de créer une harmonie, tout en conservant du temps pour soi.

Pour faire survivre son couple, Jérémy Royaux invite « à essayer d’arrêter de penser qu’il y a une personne qui a raison et une autre qui a tort, à expliquer son point de vue en cas de désaccord et à aider l’autre à faire pareil : le but est de comprendre les deux visions du monde différentes et de trouver des compromis ». Il faut veiller « à bien communiquer, à faire un planning d’activités, à essayer d’en trouver de nouvelles (seul ou ensemble: retaper ou ranger son lieu de vie…) et à se préparer à une longue période de confinement complet ou partiel ». André Hetzel recommande de « demander régulièrement à l’autre: “De quoi as-tu besoin?” et voir comment on peut s’organiser pour trouver des solutions pragmatiques au jour le jour ». Il faut « inventer une forme de souplesse, s’efforcer de prendre soin de l’autre et de créer une harmonie, tout en conservant du temps pour soi ».

Et si des discussions s’imposent, rappelle Christophe Giraud, il faut toujours être solidaires. En effet, « la situation met également en avant une mobilisation collective, de solidarité du noyau familial pour se protéger les uns les autres ». On pourra ainsi tenter de faire du confinement un moment où l’on retrouve l’autre, où l’on redéfinit sa vision du couple et de la vie à deux et où l’on apprend à se soutenir.

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LE PÈRE NOËL EXISTE : INFO OU INTOX ?

Le Père Noël vit au pôle Nord avec des lutins, traverse le ciel sur un traîneau tiré par des rennes, a des cadeaux pour tous les enfants du monde… Cela parait difficile à croire ? Pourtant, près de 80 % des enfants de 2 à 9 ans guettent sa venue le 24 décembre[1]. Fake news ou jolie tradition ? Doit-on laisser les enfants rêver ou leur doit-on la vérité ?

Le père Noël ? Ah ! La belle histoire ! Les enfants en redemandent : vous n’avez pas de cheminée ? Qu’à cela ne tienne ! Il passera par la fenêtre ou prendra l’ascenseur ! Les cloches de Pâques larguent bien des œufs en chocolat, les petites souris collectent les dents de lait, le monde est peuplé de monstres et d’amis invisibles… Il semble établi que jusqu’à 4 ou 5 ans, l’enfant mêle volontiers réel et imaginaire. Son goût pour l’extraordinaire est grand, il est friand de contes merveilleux. Croire au père Noël lui est d’autant plus facile qu’il en a la preuve : il lui a écrit une lettre, le Père Noël a bu le verre de lait, ses rennes ont croqué la carotte ; il l’a même aperçu au centre commercial.

Un joli conte pour grandir

Le vieillard couleur Coca-Cola qui remplit nos petits souliers ne tombe pas de la dernière pluie. Mythes romains, celtes, nordiques, chrétiens l’ont façonné à travers les âges, lui faisant prendre des rides de vieux sage et une épaisse réputation de bonté et d’indulgence. Les petites étoiles qu’il fait jaillir à chaque glissade dans la nuit de Noël, les délicats grelots qui retentissent à son approche, sa hotte débordant de jouets fabriqués au royaume des neiges, ses rennes volants… tout chez lui est teinté de magie. Et moins c’est possible, plus on a envie d’y croire, tellement c’est adorable !

Magie ou féérie : les parents partagent volontiers ce plaisir avec leurs petits. C’est dans un émerveillement à l’unisson que la plupart d’entre eux vit l’attente du soir de Noël. Dans cette majorité de familles qui considère que la croyance au Père Noël est bénéfique, on met en avant la connivence qui unit les parents et les enfants à cette occasion, ainsi que la transmission de valeurs du registre de la bonté et de l’altruisme. « L’esprit de Noël », en somme. Croire au Père Noël s’inscrit aussi dans une tradition : de génération en génération, au prétexte du bonheur des plus jeunes, les grands convoquent des souvenirs tendres. En offrant du Merveilleux à leur famille, ces derniers échappent avec elle, le temps d’une nuit, à la réalité et à la peur, tout en prônant réjouissance, générosité, amour… Comme ça fait du bien !

Enfin, de l’avis de beaucoup, le Père Noël fait partie de ces rites qui aident les enfants à grandir. « C’est un tremplin (…), une étape vers le monde des adultes », selon Angélique Kosinksi, psychologue pour enfants ; « L’enfant a besoin de rêver à quelque chose de magique. C’est bon pour lui de croire qu’un monde protecteur peut exister », selon le Dr Hélène Romano, spécialiste du psycho-traumatisme[2]. Au sortir de l’enfance, le raisonnement logique prendra naturellement le dessus sur la pensée imaginaire et, alors qu’il fera de plus en plus l’expérience de la réalité (à l’école, auprès de ses camarades), l’enfant sera prêt à délaisser fées, dragons et autres reines des Neiges, pour entrer dans le monde des initiés : les grands, ceux qui ne croient plus au Père Noël.

Un « exercice moralement ambigu »

Pourtant, de plus en plus de familles prônent la transparence absolue. « Est-ce le rôle des parents de nourrir l’imaginaire de l’enfant en lui faisant croire à n’importe quoi ? », interroge par exemple Amélie Blot sur son blog « Famille Epanouie »[3], « C’est nous qui nous divertissons de la crédulité de l’enfant ».

Ne pas mentir est le premier argument de ces parents, réticents à véhiculer de « l’intox ». Ils sont encouragés en cela par une étude publiée en 2016 par des psychologues anglo-saxons[4] qui énonce notamment : « Mentir à nos enfants au sujet du Père Noël pourrait sérieusement entamer la confiance qu’ils nous accordent naturellement. Encore plus si ce mensonge est motivé par notre désir de revivre notre propre enfance (…), transformant ce mignon petit mensonge en exercice moralement ambigu ». Pour eux, ce mensonge induit par ailleurs l’idée que la magie est nécessaire, tellement le monde est mauvais… Enfin, quel risque lorsque le rêve se brise ? Exposer nos enfants à une « trop cruelle désillusion » ? Aux moqueries des copains de classe ? Le mensonge semble d’ailleurs d’autant plus honteux pour les parents qui gardent eux-mêmes un souvenir douloureux de l’abominable révélation.

Un autre argument des opposants est la manipulation du Père Noël comme objet de chantage : « si tu n’es pas sage, le Père Noël ne viendra pas ! » ; ou de menace : « Attention, le Père Noël te voit quand tu n’es pas sage ! » (Brrr…). Les mêmes parents évoquent plus généralement la peur que peut susciter cet énorme et vieux monsieur barbu et bigleux dans les bras duquel papa-maman veulent absolument me placer pour une photo ! Ou ce mystérieux inconnu qui entre dans ma maison la nuit…

Pour ces parents, rien n’empêche de raconter l’histoire du Père Noël et autres contes appropriés, dans l’attente de la grande fête de l’hiver, sans essayer d’y croire. La préparation de Noël et ses rituels, les moments en famille, les cadeaux (offerts par les proches, qu’on soit bien clair !) sont pour eux suffisamment excitants : à quoi bon en rajouter ?

Un choix pour chaque parent

Belle coutume ou canular risqué : les spécialistes de l’enfant ne tranchent pas la question. Chacun trouvera, en la cherchant, la parole qui lui convient. Le débat ne se situe pas tant, on l’a vu, sur le fait de savoir si le mythe du Père Noël nourrit sans risque l’imaginaire de l’enfant et favorise son développement. Il s’agit plutôt de choisir ce que l’on fait du mythe : un conte de fées ou une farce atroce. Selon Hélène Romano, si les parents acceptent la nature même de ce « mensonge prosocial », s’ils sont en accord avec ce qu’ils en disent, pourquoi y mettre fin ? A l’inverse, s’ils voient le Père Noël comme un mensonge terrifiant, c’en sera un.

L’autre partie du débat porte sur l’âge de la révélation : y a-t-il un bon moment pour sortir les enfants de la torpeur ? La psychiatre Dominique Tourres-Gobert[5] éclaire ce point : « Les enfants suivent les questions que se posent les autres enfants. A un moment donné certaines croyances ne sont plus crédibles. Certains enfants sont très logiques à 5 ans, ils s’interrogent (…). D’autres aiment ces croyances et souhaitent y croire plus longtemps. Il faut [les] suivre ». Quelque part entre 5 et 8 ans donc…, l’enfant lui-même, en questionnant le mythe et sa famille, rompt l’enchantement. Lorsqu’il commence à douter, on peut l’aider à faire la part des choses : si le Père Noël appartient aux contes, la générosité et l’amour qu’il incarne, eux, existent bien !

Anne de la Brunière – article publié dans le magazine Com’ sur un plateau n°14 – Décembre 2019

[1] Sondage 2017 de la Fédération des commerces de jouets et produits de l’enfant
[2] In « Croire au Père Noël, oui, mais jusqu’à quel âge? », Marine Le Breton –Huffington Post, oct 2016
[3] www.famille-epanouie.fr – blog sur l’éducation et la vie de famille, prônant la pédagogie positive
[4] « A wonderful lie », Christopher Boyle, Kathy McKay – publié dans The Lancet Psychiatry, déc. 2016.
[5] auteure de « Il était une fois le bon dieu, le Père Noël et les fées » (Albin Michel, 1992)

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LE STRESS DE LA RENTREE

Les uns prennent le chemin de l’école ou du lycée, les autres celui de l’Université, et pour les adultes, il faut reprendre le travail après la pause de l’été… A ce tournant de l’année, se mélangent l’excitation et l’appréhension. Une appréhension qui peut atteindre des niveaux élevés de tension et d’anxiété. La rentrée est un « stresseur ».

Il y a encore de beaux jours, mais le soleil pâlit, l’air est moins chaud, la nature jaunit un peu déjà. L’annonce de l’automne, la baisse de la lumière, s’accompagnent d’un recul de l’énergie dans le corps et, paradoxalement, elles coïncident avec un calendrier chargé pour chacun, exigeant et consommateur de calories. Les familles sont dans l’effervescence pour réorganiser les emplois du temps et les conduites, sélectionner les activités extra-scolaires, assister aux premières réunions, acheter les fournitures, renouveler les garde-robes, trier les affaires devenues trop petites… Pour les plus grands, en études supérieures, il faut valider les inscriptions, parfois chercher un logement dans une autre ville, s’équiper, emménager, se séparer… Pour les parents, c’est aussi la rentrée au travail, comme un recommencement, un départ pour une nouvelle traversée, toujours un peu vertigineux ; il faut « reprendre le collier ». Certains ont profité de l’été pour déménager et installer à temps tout leur petit monde pour la-dite rentrée : il faut intégrer tous ces changements et prendre ses marques. Quelle énergie dépensée ! La rentrée est statistiquement une période d’intensité, de fatigue et de stress. L’événement « rentrée » modifie l’équilibre personnel et celui du groupe. Elle correspond à un changement d’état. Les ressources de chacun sont mobilisées pour affronter les nouveautés, les défis, l’inconnu, et s’adapter. Pour peu que les vacances n’aient pas été reposantes (pour le corps et le psychisme) et la rentrée peut être une période de vulnérabilité.…

De l’appréhension au grand stress

Déstabilisante par nature, elle s’accompagne de peurs qui vont de l’appréhension au grand stress, liées autant à l’idée qu’on se fait de ce qui va advenir (anticipation anxieuse) qu’à la réalité des mutations et nouveautés ou des tâches à accomplir. Retourner au travail ou à l’école, entrer au collège, au lycée, à la fac, en prépa… nous fait nous interroger sur ce que l’on va rencontrer et ce que l’on craint : qu’est-ce qui m’attend ? Quelle charge de travail ? Quelles difficultés ? Quelle réussite ? Vais-je y arriver ? Vais-je me faire des camarades ? Ai-je envie de retrouver tel collègue et l’ambiance de mon lieu de travail ? Quel temps aurai-je pour moi ou ma famille ? On peut se surprendre à repenser ses choix…

Et puis, à la rentrée, on reprend aussi les « dossiers » qu’on a laissé en plan avant les vacances, au bureau comme à la maison – avec une légèreté et une intention délibérée de procrastiner à l’époque, que l’on se reprocherait presque ! – On peut très vite se sentir débordé au milieu de cette rentrée, démoralisé et vaincu par une « to-do list » écrasante. En toile de fond, la fin des vacances, le changement de saison, le deuil de l’été, les jours qui raccourcissent, plus de pluie et de fraîcheur, et l’hiver droit devant… Stop ! Danger d’overdose !

Alors, pourquoi ne pas nous autoriser cette anxiété passagère et opportuniste (après tout, c’est normal que tout cela nous fasse peur) et nous rassurer sur nos capacités (souvenons-nous qu’on a surmonté la rentrée de l’an dernier !) ? Pourquoi ne pas nous appuyer par ailleurs, sur les bons côtés de la rentrée ? Les retrouvailles joyeuses avec les bons copains, le retour des rituels qu’on apprécie, la reprise de notre pratique sportive préférée, des petits plaisirs que l’on s’offre, des loisirs qui apportent du bien-être, la formation de nouveaux projets, l’organisation des futures vacances, les rayonnements flamboyants de l’été indien…

Aborder la rentrée scolaire plus sereinement

 L’avantage de prendre soin de son propre stress est double : outre produire un bienfait pour soi, libérer ses peurs, c’est libérer de l’espace pour mieux écouter les peurs des autres. Comment s’entraider en famille afin d’aborder la rentrée scolaire plus sereinement ? Alors que les parents, c’est légitime, sont préoccupés (de plus en plus) par l’avenir de leurs enfants, ils risquent de leur transmettre leur inquiétude et de leur imposer leurs doutes sur la réussite de l’année scolaire qui commence. La peur, c’est très contagieux ! On croit s’en prémunir par toutes sortes d’avertissements et d’exhortations mais qui ne font que lui donner une caisse de résonance. : « Ça va être plus difficile cette année, il faut que tu te mettes au travail tout de suite », « Si tu ne fais pas ce qu’il faut, tu auras un mauvais dossier et tu n’auras jamais les écoles que tu vises », « Tu dois comprendre l’importance de l’école si tu veux réussir dans la vie ! Si tu ne fais pas d’efforts, tu auras un métier que tu n’auras pas choisi et que tu n’aimeras pas… ». Les conseils sont rarement efficaces, les prédictions négatives plombent les rêves et la confiance en soi et les promesses de bonnes résolutions ne servent qu’à rassurer les parents.

Au contraire, essayons d’entendre les appréhensions des plus jeunes face à l’inexploré et à l’injonction de réussir. Pour eux, la rentrée est nécessairement un passage vers un niveau supérieur, plus exigeant, plus compliqué, jamais franchi, assorti d’une totale nouveauté quelquefois : l’entrée en Maternelle, au CP, au collège, au lycée, dans un établissement supérieur, dans une nouvelle ville, un pensionnat, une année de concours, etc. Comment vont-ils s’en sortir ? Comment vont-ils relever le défi ? D’autant que l’enjeu – et pas le moindre – est également de contenter ses parents. Normal qu’ils soient angoissés ! Comme nous le faisons pour nous, commençons donc par reconnaître leurs craintes, leur dire que nous les comprenons. Nous pouvons aussi partager avec eux nos propres expériences : quel souvenir avons-nous de nos peurs de rentrée ? Comment ça s’est passé pour nous ? Comment les avons-nous surmontées ? Peut-être ont-ils besoin d’être rassurés, mis en confiance, encouragés, de se sentir soutenus. Et qu’on les aide à se projeter dans des perspectives positives : ils vont apprendre de nouvelles choses, se faire de nouveaux amis, démarrer le judo ou reprendre la natation… (pour les plus petits, choisir une nouvelle trousse, un nouveau cartable ou un nouveau stylo, peut consoler de bien des chagrins et anxiétés) ; ils vont grandir, faire des découvertes, avancer vers leur but, ouvrir de nouvelles perspectives, s’offrir de nouvelles chances…  Peut-être ont-ils besoin d’entendre qu’ils ne seront pas seuls, que s’ils ont du mal, on les aidera, qu’ils surmonteront, qu’on leur trouvera des soutiens. Et que dans tous les cas, l’important est qu’ils fassent de leur mieux ! Nous aussi, c’est ce que nous ferons.

Anne de la Brunière – article publié dans le magazine Com’ sur un plateau n°13 – Septembre 2019

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VACANCES : DU TEMPS POUR SOI AU MILIEU DES AUTRES ?

Qu’elles passent par du repos intensif ou des activités à outrance, l’enjeu des vacances est de recharger ses batteries en se faisant du bien et, à la fois, de profiter des personnes qu’on aime. Mais gare à préserver son espace et celui du couple dans la multitude effervescente !

Vivent les vacances en famille ou entre amis ! Passer du temps tous ensemble, sans école, sans horaires de travail. Explorer, découvrir, visiter, et puis faire des châteaux de sable ou des randonnées, pratiquer des sports ou des jeux, organiser des soirées pizzas ou des après-midis crêpes, arpenter des paysages ou des parcs d’attraction, avaler des Marvel ou des Walt-Disney, lire des romans, des BD, allumer le barbecue, gonfler le bateau, partager des grasses matinées et des tonnes de câlins, construire des voyages au loin ou juste à côté, faire des centaines de photos, amasser des milliers de souvenirs… Quel bonheur ! L’été, saison des « grandes vacances », est le temps privilégié des familles et des copains de toujours pour s’offrir du temps ensemble et s’extraire de la routine. Si possible au plein air, en comptant sur un soleil généreux. La vie prend un autre goût soudain. En bermuda, en robe légère, tout semble si détendu ! Plus besoin de faire sonner le réveil – sinon pour accompagner les enfants au cours de voile (mais on peut toujours y aller en pyjama et hirsute et revenir avec des croissants). Débarrassé des contraintes habituelles, l’espace devient plus grand ; un vent de liberté souffle sur les pendules ; entre les virées, on se repose, on savoure, on échange, on rit, on se retrouve… A moins qu’il ne faille pas idéaliser ces vacances all-inclusive ?

Pour peu que l’on emporte dans ses valises quelques conflits mal éteints, des doutes, un mal-être, ou des préoccupations professionnelles (et les objets hyper-connectés qui nous y relient…), et le stress s’invitera. Pour peu que le couple déplace au soleil son désaccord sur le partage des tâches ou le cadre à donner aux enfants, pour peu que Monsieur ne supporte pas sa belle-mère ou que Madame en ait assez de passer ses étés dans une maison pleine à craquer où l’on est jamais moins de quatorze à table… les huîtres et le petit vin blanc leur resteront en travers de la gorge. Chacun fait, fait, fait c’qui lui plait, plait, plait… ? En réalité, congé ne rime pas toujours avec liberté.

Bienfaits pour vous !?

S’il s’agit de partir en famille, où qu’elle aille, celle-ci véhicule avec elle ses contraintes naturelles : rythme, horaires, cadre éducatif, règles de vie ensemble, hétérogénéité des besoins individuels et petites chamailleries en tout genre… S’il s’agit de passer l’été en famille élargie avec les parents ou beaux-parents, frères, sœurs, neveux et nièces, cousins, etc., ou avec une sympathique bande d’amis, cela renforce la contrainte en multipliant les dissemblances de fonctionnement, d’opinions et de règles. Qui plus est, on peut se retrouver à « en faire plus » que chez soi pour la bonne gestion du groupe : plus d’intendance, plus de sorties et réceptions, plus d’événements à organiser pour contenter et occuper tout ce petit monde. Pas sûr qu’on réussisse à trouver une heure pour soi, pour courir au bord de l’eau, s’essayer à l’aquarelle ou lire dans un transat. Et encore moins sûr qu’on trouve un espace d’intimité pour soi ou son couple !

Si, au lieu de suivre vos envies, vous vous pliez en quatre pour que votre conjoint ou vos enfants vivent des vacances inoubliables, écoutez en vous la petite alarme qui clignote ! Si vous rêvez d’un doux farniente sur un rivage ensoleillé et que vous êtes en train de soigner vos ampoules sur les chemins de Compostelle sous le regard d’un âne blasé, est-ce parce que quelque chose n’a pas été dit ? Si vous aviez besoin de tranquillité et de respiration, comment se fait-il que vous soyez parti(e) en meute vous noyer dans la foule d’une feria espagnole ? Comment ne pas se retrouver dans la situation de faire le contraire de ce qu’on aimerait faire ? Comment faire plaisir en se faisant plaisir ? Comment respecter ses besoins et les besoins des autres ? Faire plaisir, prendre soin, oui, mais pas jusqu’au sacrifice ! Chercher le compromis, mais sans se compromettre ! Avec une souplesse qui s’applique à soi autant qu’aux autres. L’objectif est de couler des jours agréables avec ceux qui nous entourent. Au risque sinon, de rentrer éreinté, asséché, frustré, envahi et triste tout au fond de soi…

« Moi, c’est simple, explique Isabelle, j’ai dit à mon mari que je voulais bien qu’on fasse cette randonnée en famille mais que je voulais commencer par trois jours de farniente : pas de programme, rien ! ». Il y a un temps pour tout. Peut-être faut-il faire de ses vacances, une succession de temps et d’espaces pour chacun. Pour soi, pour le couple, pour les enfants, pour les autres. Cela implique d’être à l’écoute de soi. Ai-je envie et de quoi ai-je besoin ? Avoir faim (besoin de se nourrir) n’implique pas avoir envie d’une glace pistache-fraise. Avoir besoin de partager des moments de qualité avec les siens, ne signifie pas ne se consacrer qu’à eux ni ignorer ses limites. Repérez vos besoins et communiquez auprès de votre entourage sur vos intentions pour ces vacances d’été !

Oser poser des frontières

Récemment, un couple me confiait avoir du mal à « laisser ses enfants » pour partir en vacances à deux. « Et c’est tellement important de faire des choses en famille ! On adore ça ! », justifiait-il. De son côté, une jeune-femme se plaignait que son mari n’entende pas son besoin de « prendre du temps à deux » et que, pour lui, « les enfants passent toujours en priorité ». Là où les deux adultes d’un couple ont l’opportunité de se retrouver en vacances, de s’accorder du temps et de la tendresse et de s’accommoder ensemble de leurs désirs propres, les mêmes adultes, couple de parents, auront tendance à se fondre dans le désir et l’attente de leurs enfants. Pourquoi serait-ce tout l’un ou tout l’autre ? Au milieu de deux semaines où l’on fait smala en Bretagne, n’y a-t-il pas moyen de s’échapper un week-end tous les deux ? Ou un soir au restaurant ? Ou un après-midi en balade ? Ou le temps d’une partie de tennis ? Ou s’échapper seul, pour un yoga sur la plage ou une heure chaque jour rien qu’à soi ? Il y a bien un « club Mickey » dans les parages ! Au pire, un baby-sitter prêt à se faire grassement rémunérer !

Bien sûr qu’on trouve du bonheur dans les moments partagés avec la jolie famille qu’on a construite et à laquelle on tient tant, à faire des choses ensemble et à trouver du temps commun qui nous file entre les doigts sinon. Bien sûr qu’il y a de la joie dans les effusions d’un groupe, à refaire le monde et à savourer la douceur de vivre. Mais les vacances nous appartiennent aussi en ce qu’elles nous ressourcent et nous repulpent personnellement et repulpent notre vie à deux. Elles sont l’occasion de créer du lien avec soi et avec celui ou celle qu’on aime, lien qui a besoin d’être nourri, stimulé, ou retendu, alors que le reste de l’année, on pare au plus pressé sans forcément en prendre soin. Au milieu du chaos, même joyeux, généré par les vacances en nombre, pensez à vous caler des petites conversations à deux, gourmandes intellectuellement et affectivement. Parlez-vous de l’amour que vous vous portez, de vos projets, de vos victoires et écueils de l’année ou du dernier bouquin que vous avez dévoré. Créez votre bulle et faites-en ce que bon vous semble… Il faut savoir parfois fermer les frontières ! Osez dire à vos enfants, à vos parents, à vos petits camarades, qu’à ce moment-là, vous n’y êtes pour personne. Offrez-vous ce petit cadeau car personne d’autre que vous ne vous l’offrira. Tous les espaces que vous laisserez vides seront remplis, envahis, colonisés, si vous n’y prenez garde. Or, le vide, ça peut faire du bien. Celui qu’on comble de soi, puis où l’on aime et se laisse aimer.

Anne de la Brunière – article publié dans le magazine Com’ sur un plateau n°12 – Juin 2019

Pour poursuivre (dans un transat) : 

 

Voyager en famille, 50 destinations de rêve de Caroline Krauze – Hachette – 2018 – guide

 

 

Vacances obligatoires en famille de Valentine de Le Court – Editions Mols – 2015 – roman

 

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ADOS ET SEXUALITÉ : EN PARLER A L’ECOLE ?

La sexualité est un sujet tabou : plein d’interdits, à la fois sacré et impur. Un sujet sur lequel on fait silence donc, le plus souvent, par crainte ou par pudeur. Pas si facile de l’aborder en mots entre adultes et encore moins avec nos enfants, même si la famille est le lieu de l’éducation et de la transmission. L’école peut-elle être un relais ?

La sexualité se construit tout au long de notre vie. De l’enfant à l’adolescent, de l’adulte au senior, elle est omniprésente, même si sa place change sans cesse. Sa découverte et son exploration à l’orée de l’âge adulte se font sous l’influence de l’environnement culturel et familial mais aussi celle des médias, d’Internet ou des réseaux sociaux ; les uns et les autres adressent des messages divergents et imposent des représentations. Les valeurs, croyances et idéaux familiaux ne sont pas toujours en accord avec les recommandations de la société dont la norme est une sexualité « libérée » et l’enjeu, la santé publique. Les images qui circulent en libre accès (de la publicité à la pornographie) véhiculent quant à elles une vision morcelée et réduite de la sexualité ainsi que des modèles que les jeunes peuvent absorber sans recul. Enfin, les adolescents peuvent être déchirés entre les injonctions de leurs parents et les appels de leur génération. Autant de bonnes raisons de s’adresser à eux, au contraire de les laisser, seuls, construire leur vie affective et sexuelle, en dehors de tout repère.

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Si la famille a du mal à mettre des mots sur ce qui touche la sexualité, si les conflits ou la pudeur entravent le dialogue enfants-parents, il reste à organiser, dans le temps scolaire, des rencontres sur ces sujets.

Comment ou pourquoi ?

L’Education à la sexualité dans les établissements scolaires est encadrée par la loi (circulaire N°2003-027 du 17-2-2003) qui prône « trois séances d’information et d’éducation à la sexualité, au minimum, dans le courant de chaque année scolaire ». Ce n’est pas le cas, hélas, mais les élèves ont au moins une fois dans leur scolarité accès à une séance. L’éducation sexuelle à l’école a longtemps été cantonnée à des cours de Sciences naturelles sur la reproduction – où il était savamment évité de se confronter à l’intimité du sujet ou à tout versant affectif. Puis elle a pris, dans les années 1970, en parallèle des lois sur la contraception ou la prévention des grossesses non désirées et des mouvements de libération sexuelle, un aspect de campagne de prévention et d’information sur la pilule. La peur engendrée par l’épidémie du SIDA, dans les décennies suivantes, a modifié le discours proféré aux élèves, de plus en plus préventif et hygiéniste, le centrant sur l’usage du préservatif (comme barrière absolue contre les IST [1] et les grossesses non voulues, à la fois) et les risques de transmission liés aux pratiques sexuelles (éducation à la santé sexuelle). téléchargement (2)Plus près de nous, l’accès banalisé aux images pornographiques, la circulation des « nudes » et vidéos intimes, les connotations sexuelles répandues à profusion dans notre quotidien audiovisuel, se sont mis à véhiculer de nouvelles représentations et normes sociales implicites : le sexe, comme un ensemble de techniques et de performances ou comme un bien consommable, non impliquant, coupé de tout enjeu relationnel et affectif. Or, les demandes des établissements pour des interventions dans leurs classes, toujours sous-tendues par l’idée d’une sexualité-danger et ses aspects préventifs, ne rencontrent pas toujours les préoccupations des jeunes, ni la réalité dans laquelle ils trempent, et peuvent manquer l’opportunité d’apprendre à « penser » la vie sexuelle, de chercher du sens (pourquoi) plutôt que des consignes (comment).

C’est pourquoi les intervenants extérieurs sur le thème de la « Vie affective et sexuelle », médecins, sages-femmes, infirmières, conseillers conjugaux et familiaux –dont c’est une mission essentielle -, ont inscrit leurs animations scolaires dans la recherche d’échanges avec les adolescents, d’une mise en mots et d’une réflexion avec eux sur leur vie d’adulte. En n’omettant pas que dans « relation sexuelle », il y a « relation » et que celle-ci implique des personnes tout entières. Assorties des messages préventifs et informatifs essentiels à la prise de décision responsable et autonome, ces animations s’attachent à créer du lien entre sexe et investissement affectif, entre corps, cœur et cerveau. La sexualité pensée comme un objet de consommation convoitant le plaisir et assouvissant les pulsions, éloigne l’être de sa recherche absolue de tendresse et de relation. Le discours de prévention se situe aujourd’hui dans la démarche de « rétablir le lien entre le sexe et la personne et d’aider les adolescents à sortir de cette image d’une sexualité morcelée, réduite à un phallus en érection qui éjacule » explique le Dr Nicole Athéa dans son livre, « Parler de sexualité aux ados » (voir encadré).

Respect, consentement et estime de soi

Faire contrepoids aux messages implicites des médias concernant une sexualité performante, détachée des émotions, du psychisme ou de la pensée humaine, ne signifie pas plaquer nos représentations d’adultes sur les adolescents rencontrés. Lier le sexe et la personne est différent par exemple de : lier le sexe et l’amour ou l’engagement (idéalisé par nous). L’objectif est de les accompagner dans leur quête de découvrir et d’expérimenter (la sexualité n’est pas une connaissance mais une expérience), qui est aussi une quête de soi et qui passe nécessairement par le « papillonnage ». La notion de relation, plus ou moins amoureuse ou passagère, est alors à replacer dans le respect, la confiance, le consentement et l’estime de soi : suis-je aimable ? capable ? ai-je de la valeur ? Etre libre n’est pas faire ce qui nous plait sans tenir compte de soi ni de l’autre. Les expériences sexuelles, envisagées ou réalisées,  peuvent aussi bien participer à la construction de l’estime de soi qu’à sa dégradation et être source d’anxiété. Ce sont bien des questions que les jeunes se posent ; un élève avait inscrit dernièrement sur un petit papier : « si on n’a pas confiance en soi, comment pouvons-nous faire confiance à celui qu’on aime ? ».

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Nicole Athéa le résume ainsi : « Une bonne estime de soi est une condition indispensable à tout comportement de prévention. Pour nouer une relation affectivement et positivement investie, il faut avoir une image de soi suffisamment bonne ». Notre travail auprès des adolescents tend vers la construction d’une image d’eux-mêmes responsable, respectueuse et positive : qu’ils se sentent dignes d’être aimés, assez affirmés et éclairés pour pouvoir dire oui ou non, qu’ils soient acteurs et prennent des décisions, qu’ils sachent s’ils sont prêts : à quoi et pourquoi, qu’ils entrent en relation…

Certains parents craignent que nous parlions crûment de sexualité à leurs enfants. Nous répondons avec des mots choisis aux besoins d’information qu’ils expriment et nous débattons avec eux de ce qui les intéresse. Entre tabous familiaux et images faussées de la réalité, nous les aidons à construire des points de repère, des appuis et des pistes de réflexion. En créant une confiance et un lien, le temps de nos interventions, la parole devient possible, se libère, les ouvre à la connaissance d’eux-mêmes et des enjeux d’une sexualité qu’on leur souhaite épanouissante plutôt que blessante.

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Anne de la Brunière – article publié dans le magazine Com’ sur un plateau n°11 – Mars 2019
[1] IST : infections sexuellement transmissibles
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Pour aller plus loin : ce livre du Dr Nicole Athéa propose un ensemble de réflexions sur la sexualité des adolescents, s’adressant aux intervenants scolaires aussi bien qu’aux parents. Une aide pour aborder avec eux les questions qui les préoccupent et les accompagner, à travers les messages divergents de leur environnement, vers une sexualité choisie, libre et responsable.
Parler de sexualité aux adosUne éducation à la vie affective et sexuelle, Dr Nicole Athéa, Eyrolles, 2006

 

 

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FRÈRES ET SŒURS : JE T’AIME, MOI NON PLUS !

 

Certains d’entre nous avons grandi avec des frères et sœurs. Dans le meilleur des cas, nous nous sommes serrés les uns contre les autres pour nous tenir bien chaud. Comme des chatons de la même portée, nous avons appris à nous affirmer, à travers des jeux complices et quelques échanges de coups de griffe. Adultes, nous restons fortement imprégnés de ces liens.

Notre histoire ne se définit pas seulement par ce que nous avons reçu de nos père et mère ou ce dont nous avons manqué. Nos liens entre frères et sœurs, construits dans l’enfance, influencent nos vies d’homme et de femme et participent à notre identité. Nul besoin d’être jumeaux pour partager des ressemblances et se sentir intimement reliés, voire indissociables, comme des pièces participant au même puzzle. Qu’on ait un ou deux parents en commun, il y a ce qui nous rassemble et ce qui nous différencie, mais nous sommes modelés de la même glaise. Depuis toujours, nous nous sommes affrontés aussi bien que soutenus, nous nous sommes influencés, et nous portons en nous, pour la vie entière, l’empreinte de ces liens primordiaux.

images« On ne s’entend pas parfaitement, on ne se voit pas si souvent que ça, raconte Céline, jeune mère de famille, au sujet de ses deux demi-frères qui vivent loin, dans le Sud de la France. Mais ils sont là et font partie de moi ; c’est dur d’imaginer la vie sans eux ; oui, c’est comme une partie de moi… et c’est mon clan ! ». A l’approche des fêtes de fin d’année, certains appréhendent les retrouvailles familiales car, outre la confrontation avec les parents qui ne peuvent parfois s’empêcher de nous remettre dans une position d’enfant et de nous faire des « réflexions à la noix », le rassemblement de la fratrie adulte peut réveiller des jalousies enfantines, des désaccords du passé et nous faire vivre nos divergences comme des trahisons. « Malgré tout, quelque chose se reforme quand nous nous retrouvons réunis comme autrefois, explique Olivier, aîné d’une fratrie de 4 garçons. Au milieu de mes frères, je me sens à l’abri et plus du tout seul ; je peux lâcher des barrières ; on se comprend même sans se parler ; on appartient à un tout »…

Un ami donné par la nature

Un « clan », un « nous » un « tout »… Un groupe en somme, qui partage une identité, une appartenance, une histoire, des valeurs et une unité. Les enfants d’un même couple, d’un même père ou d’une même mère ne sont pas que des rivaux devant leurs parents, se chamaillant pour avoir la meilleure place ou s’attirer leurs grâces. Ils sont aussi unis par un même pacte et, quoiqu’étant distincts, ils ont du mal à se différencier. Le « nous » précède le « je ». La loyauté des liens fraternels restera inscrite dans leur existence, malgré les éloignements et les écarts de trajectoire.

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Frères et sœurs biologiques partagent l’expérience inouïe d’être issus d’une même matrice. Qu’ils aient le même nez, les mêmes reflets dans les cheveux, le même talent pour le dessin ou la même répartie insolente, c’est pour eux comme une « marque de fabrique » : ils se reconnaissent et en sont fiers. Une façon d’apprivoiser en sécurité le fait d’être soi, d’être unique, en n’étant pas tout à fait seul, et d’admirer à loisir son reflet dans le miroir de l’autre. Guillemette, cadette d’une fratrie nombreuse, se souvient : « Tous blondinets avec des taches de rousseur, nous avions seulement quelques centimètres de différence et quand nous nous présentions les uns après les autres, nous étions bien conscients de la surprise amusée des adultes et aussi de la fierté de nos parents… Nous étions du même moule ! ». Par nature différents mais indissociables dans l’imaginaire, les frères et sœurs forgent des liens d’une force unique, faits d’amitié, de complicité et de loyauté, si tout se passe bien : des liens qui sécurisent, qui renforcent, qui soutiennent. « Un frère est un ami donné par la nature »[1]. Amis d’enfance, les frères ou les sœurs sont aussi les gardiens et les témoins d’un passé commun, auquel ils aiment se ressourcer ensemble, une fois de temps en temps, devenus grands.

Frères ennemis

Cependant, la fraternité peut être mise à mal.  L’harmonie, la complicité, l’affection ou l’amitié ne sont pas toujours au rendez-vous des grands rassemblements des familles. Les failles dans la fratrie ont pu se créer dans le jeune âge ou un peu plus tard, être apaisées ou réparées ou ne l’être pas. Question d’ordre d’arrivée ou de place dans la fratrie, question d’appréciation de l’affection ou de l’attention des parents vis-à-vis de soi ou des autres, question de séparation (des parents et parfois de la fratrie)… ? Des sentiments de jalousie, de colère, de rancœur, d’injustice ou d’abandon naissent parfois, dans le contexte de concurrence qui s’organise naturellement autour de l’enjeu d’être aimé de ses parents – sans que les parents ne l’attisent forcément. En se comparant, les enfants apprennent à se différencier mais ce n’est pas toujours sans blessure ni rancune qu’ils intègrent cette séparation. La dissociation, l’éclatement du « tout », peuvent être vécus dans la douleur et l’hostilité. La haine n’est pas si éloignée de l’amour… De deux choses, l’une : les frères et sœurs, en grandissant, continuent, à sortir les griffes les uns envers les autres tout en reconnaissant qu’ils s’aiment profondément ; ils font la part des choses et restent unis. Ou alors, la hargne n’est pas dépassée, résolue, parlée, et demeure un empêchement à vivre et il arrive que des fratries se déchirent avec violence. Le meurtre du frère ennemi, puisqu’il est interdit, s’exprimera symboliquement par le silence, la négation de l’existence de l’autre, ou par une rupture fracassante sous un prétexte ou un autre, assortie de reproches … assassins.

« L’on hait avec excès lorsque l’on hait un frère », écrit Jean Racine dans La Thébaïde (ou Les Frères Ennemis). Les liens inscrits dans le sang ont ceci de particulier qu’ils sont indéfectibles. Pour peu qu’ils nous mettent en danger, nous emprisonnent ou nous empoisonnent, ils prennent un tour dramatique. L’amour fraternel devient haine et souffrance quand il est blessé car la trahison est intime, l’opposition inacceptable, la scission insupportable, la division impossible… Celles-ci se feront donc dans la douleur et dans le bruit. Même si, à l’image de la tragédie de Racine, c’est sans issue… puisque si les uns sont tués, les autres meurent de chagrin.

A moins qu’on réussisse à en parler.

Anne de la Brunière – article publié dans le magazine Com’ sur un plateau n°10 – Décembre 2018
[1]Dans La Mort d’Abel, III, 3, Caïn de Gabriel Marie Legouvé, poète français (1764-1812).

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1 + 1 = 3 … ou le casse-tête des jeunes parents

Etre deux, être amoureux, être disponible l’un à l’autre et puis soudain, être trois, avoir un bébé, devenir parents, devenir une famille. L’équation a changé. Il faut intégrer des variables, résoudre des inconnues. Un défi passionnant mais souvent délicat pour le couple.

Ils l’ont rêvé, attendu, désiré… Bébé est enfin là, tout en tendresse. Si petit et vulnérable, si dépendant, ses besoins sont immenses. Dans son regard pastel, le reflet de ceux qu’il a fait parents, à la fois émerveillés et sous le choc d’avoir donné la vie. Ils se contemplent comme père et mère, alors qu’hier ils étaient deux amants. Chaque jour leur apporte de nouvelles expériences et peu de répit. Pour répondre aux besoins quotidiens de leur nourrisson, ils se mobilisent et s’appliquent. Parfois ils se relaient aux soins et aux biberons, pour permettre à l’autre de récupérer. La solidarité prend le pas sur la séduction. La résolution des contraintes, sur la spontanéité. La complicité comme le désir de l’un pour l’autre ont parfois du mal à retrouver leur chemin et le bon moment pour s’exprimer. Les pleurs du petit d’homme ou la fatigue font obstacle aux moments à deux. La relation du couple est en train de changer.

Aussi désirée soit-elle, une naissance –qui plus est, la première – implique une période de crise pour les couples, au sens d’une phase de transformation de la relation, jalonnée d’émotions. L’équilibre du couple change d’état. Or le passage d’un état à un autre peut s’avérer plus ou moins inconfortable et conflictuel. Après le baby-blues, le baby-clash… ! Osons le dire, tout n’est pas rose quand l’enfant paraît : il s’agit d’une période risquée pour la relation, aboutissant à une séparation dans un couple sur cinq, d’après le psychiatre Bernard Geberowicz. Selon lui, même si, dans la plupart des cas, l’arrivée du premier enfant permet de « vérifier la solidarité, les connivences, les valeurs et affinités d’un couple », elle peut aussi révéler « des différences trop profondes à combler ».

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Pour aller plus loin : Le couple face à l’arrivée de l’enfant : Surmonter le baby-clash, Bernard Geberowicz, Colette Barroux-Chabanol, Éd. Albin Michel, 2014, 263 p., 17 €.

S’il ne perçoit pas ce changement dans sa dynamique relationnelle, le couple se laisse entraîner hors de ses repères sans comprendre ce qui lui arrive. « Depuis l’arrivée de Téo, je n’ai plus une minute à moi et j’ai l’impression que, pendant ce temps, son papa en fait de moins en moins », s’inquiète une jeune maman. « Tu n’as plus d’yeux que pour lui ! » se défend son conjoint. Les tentatives d’échanger se transforment en disputes, les malentendus s’installent, les partenaires se sentent délaissés, incompris, dévastés ; l’épuisement vient recouvrir les frustrations de toutes sortes. Chacun vit des changements au cœur de lui-même qui, associés aux nouvelles interactions dans sa vie, vont également faire bouger sa façon d’être en relation avec le monde extérieur. C’est une révolution.

« Rien ne sera plus comme avant, et tant mieux ! »

A titre personnel tout d’abord : devenir père ou mère s’accompagne de mouvements profonds dans l’être qui interrogent les nouvelles responsabilités par exemple mais aussi bouleversent l’affectivité, les émotions, les liens d’attachement… Outre des élans joyeux ou attendris, l’arrivée d’un bébé peut générer des peurs, des inquiétudes, réveiller des colères ou des chagrins enfouis. « Au début, dit Emmanuelle, c’était dur de sentir mon fils complètement dépendant de moi. Ça m’angoissait. Puis quand j’ai repris mon travail, bizarrement, j’ai eu beaucoup de mal à me séparer de lui. Je pleurais tous les matins après l’avoir déposé à la crèche. Ça  a duré des semaines  ». Chaque individu chemine à son rythme et selon son histoire à travers ces bouleversements intimes. Pour la maman, les neuf mois de la grossesse, l’accouchement ou encore l’allaitement sont vécus dans le corps et il lui faut un peu de temps pour intégrer ces événements, se retrouver, s’accepter, se sentir à nouveau femme. Quant au papa, que ressent-il face à ces métamorphoses spectaculaires et aux attentes dont il est l’objet ? Et qu’est-ce que l’apparition de son enfant lui fait vivre ? Ou quand sa compagne est accaparée par le bébé et semble le négliger ? Le dialogue n’a pas forcément lieu dans le couple, sur toutes ces perceptions nouvelles de soi. Nul doute, pourtant, qu’elles impactent la relation conjugale.

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Parallèlement, le couple fait face à des mouvements importants dans sa relation. Il doit construire une nouvelle organisation commune des places, des tâches ou des rôles, qui le force à se déplacer et se repositionner. Son intimité est bouleversée ainsi que sa libido. Ses nuits sont morcelées. La fatigue ou les contraintes balaient tous les petits moments à deux. Le bébé passe avant tout. Le couple parental se forme, le couple conjugal s’oublie un peu. Ça non plus n’est pas forcément mis en mots. Enfin, les relations se modifient avec la famille, les amis (et plus généralement le monde extérieur), à qui le couple a moins de temps à consacrer ou qui cherchent leur place eux-mêmes dans la nouvelle composition couple-bébé avec plus ou moins d’adresse et de bienveillance.

L’idéal selon Bernard Geberowicz : « Que chacun soit prêt à considérer que rien ne sera plus comme avant, et tant mieux ! ». Les parents font l’expérience de l’élasticité de la relation. Celle-ci n’est pas figée, ni rigide ; elle peut s’adapter aux nouveaux besoins, aux nouvelles données, et s’enrichir du fait même de se transformer. Mais quand le bouleversement est trop déstabilisant, quand la révolution charrie trop de déceptions, de malentendus ou d’incompréhensions, quand les soubresauts de leur relation mettent les partenaires en insécurité, il arrive que l’un ou l’autre se replie, s’isole, voire montre des signes de dépression. L’entourage amical ou familial peut être sollicité pour trouver des appuis ou bien un tiers qui saura écouter cette souffrance et les affres de la nouvelle configuration familiale.

Des moments privilégiés

Les tensions, les incompréhensions s’apaiseront le plus souvent dans le dialogue du couple, dans le soutien et la solidarité que celui-ci pourra se manifester mutuellement, dans le partage des émotions et des vécus de chacun, mais aussi dans la construction volontaire et déterminée de temps à deux, sans enfant : des temps de détente et de plaisir, des temps de retrouvailles, de tendresse ou de sensualité, des temps pour s’aimer… Ou encore, entre amis, car les relations extérieures sont aussi sources de partage, de distraction et de décontraction. Accepter les mutations relationnelles, les bouleversements personnels, la nouvelle dimension du couple, ne signifie pas renoncer à son couple d’origine, ce couple d’amants qui est la source du projet. Afin de ne pas se perdre de vue, de rester en lien malgré tous les bouleversements qui pourraient le placer dans un mouvement centrifuge, le couple peut choisir de créer des moments privilégiés. Emilie et Pierre ont instauré par exemple de déjeuner ensemble tous les jeudis et ils tiennent la place, parfois de haute lutte, en résistant aux pressions professionnelles et aux contraintes diverses. Leur résolution est de privilégier « le plaisir d’être ensemble » et le fait de « parler d’eux ». Emma et Phil se consacrent quant à eux un moment d’échange tous les soirs quand leurs jumeaux dorment pour « prendre le temps de se retrouver et de se séduire » malgré leur épuisement. Soirées cinéma ou canapé, nichés dans les bras l’un de l’autre, weekends sans enfants, diner au restaurant ou sur un coin de table de cuisine, peu importe ! Ce qui compte c’est que le couple fasse des choix qui lui permettent de vivre sa conjugalité et se préoccupe de lui-même : toute façon de nourrir le précieux lien sans lequel, après tout, bébé n’aurait pas pu montrer le bout de son nez…

Anne de la Brunière – article publié dans le magazine Com’ sur un plateau n°9 – Septembre 2018

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Epuisées ? Un été pour récupérer

Envisager, organiser, prévoir et surtout ne pas oublier de… Bon nombre de femmes témoignent de leur épuisement à penser à tout, tout le temps. Un épuisement qui peut conduire à une forme de burn-out que les chercheurs ont nommé : la (sur)charge mentale. Mais pourquoi cette charge pèserait-elle plus lourd sur les femmes ? N’avons-nous donc pas évolué ?

 Le frigo est couvert de post-it ; partout on tombe sur des listes, raturées, gribouillées ; la facture du garagiste a atterri dans le cartable de Camille ; le panier de linge déborde ; impossible de remettre la main sur le carnet de santé… ? Mais qui va y voir les signes extérieurs d’un bouillonnement intérieur qui mousse dans toutes les directions ? Personne ne semble craindre l’éruption imminente.

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Les femmes sont le plus souvent pleines de courage, de talents et d’énergie mais parfois elles s’épuisent. Et quand elles commencent à s’en plaindre, on leur conseille généralement d’en « faire un peu moins » (car peut-être en font-elles « un peu trop »… ?) ou alors de demander de l’aide (« ma chérie, c’est important de savoir demander ») ou encore on leur recommande de « lâcher prise » (c’est vrai que « c’est agaçant, à la fin, ces personnes qui veulent absolument tout contrôler ! » …). En général elles se défendent comme elles peuvent mais n’en mènent pas large à l’intérieur car elles-mêmes doutent : ne seraient-elles pas en train de se « noyer dans un verre d’eau » ? Alors, pour passer les insomnies, elles font et refont les comptes de leurs journées sans fin : comment gagner du temps ? Comment s’organiser mieux ? Et comment faire rentrer la réunion parents-profs, le gala de danse, le vaccin, la cueillette de légumes et le séminaire « anti-stress » dans cet emploi du temps de ministre ? Il faut bien que tout se fasse… Telles des divinités indiennes, elles démultiplient leurs bras pour accomplir leurs tâches multiples et variées. Jusqu’à ce qu’elles n’en puissent plus, parfois, d’essayer d’être à tout prix parfaites et qu’elles viennent en consultation, le cerveau submergé, le cœur à l’envers, le moral à zéro, le corps fatigué et trainant en vrac une piètre image d’elles-mêmes.

Alerte ! Surcharge mentale !

Or, si l’on tend l’oreille, ce n’est pas tant de « tout faire » qu’elles se plaignent que d’avoir à « penser à tout ». Qu’elles aient ou non une vie professionnelle, elles évoquent leur part de travail invisible : le fait qu’elles portent la responsabilité du foyer. Comme des capitaines de navire (sans les galons) ou des chefs de projet (sans la rémunération), elles se sentent chargées de la bonne marche de la maisonnée, voire de l’entreprise familiale s’il y a des enfants. Ce qui implique non seulement des tâches variées dans des registres innombrables : domestique, administratif, financier, logistique, stocks et approvisionnement, gestion de crise, relations publiques, événementiel, tourisme et loisirs, éducation et soins… mais aussi le fait qu’il faut anticiper, organiser ou planifier pour produire si possible en flux tendu, sans oublier ni rien ni personne et surtout pas les anniversaires ! La tension, la vigilance, l’énergie que mobilise ce travail sont tout aussi invisibles et difficiles à reconnaître. Le risque, c’est le surmenage : que les contraintes s’embouteillent, se bousculent et s’agglomèrent puis prennent toute la place ; que le stress envahisse l’esprit ; que l’esprit étouffe ou s’embrase.

Une chercheuse de l’Université Laval de Québec a mis des mots sur ce phénomène de burn-out au foyer : pour Nicole Brais, la « charge mentale » se définit comme un « travail de gestion, d’organisation et de planification qui est à la fois intangible, incontournable et constant, et qui a pour objectifs la satisfaction des besoins de chacun et la bonne marche de la résidence ». La surcharge mentale n’est pas à prendre à la légère – ne sous-estimez pas une femme qui se dit fatiguée ! Tendez plutôt l’oreille ! Elle génère en premier lieu un surcroît de stress et un trop-plein émotionnel. Et elle peut conduire à une détresse psychologique, à des signes d’anxiété et de dépression, une fatigue mentale, de la lassitude ou du découragement, comme à des désordres physiques : épuisement, manifestations de la peau, migraines, maux de ventre… La période de la maternité et du post-partum peut rendre les femmes plus vulnérables à la surcharge ; également celle de la ménopause où l’anxiété liée à la charge mentale peut avoir des effets sur l’augmentation des symptômes déjà pénibles de cet âge que sont les bouffées de chaleur, les suées nocturnes, les troubles du sommeil…

Ce qui reste de l’inégalité hommes-femmes

Aujourd’hui, les partenaires du couple négocient la répartition des tâches et l’on jurerait que le partage est plus équitable entre les femmes et les hommes. Et puis – allons-donc ! – cela fait bien longtemps que les papas ne renâclent plus devant un bébé à changer… Sauf que d’après les sondages réguliers de l’INSEE, les femmes continuent d’assumer la majorité des tâches ménagères, qu’elles travaillent ou non hors de la maison : près des deux-tiers (71%), et la majorité aussi des tâches parentales (65%). Une inégalité qui a très peu diminué depuis une trentaine d’années (En 1985, ces taux s’élevaient respectivement à 80% et 69%) et qui peut déséquilibrer un couple.

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extrait de la BD d’Emma : « Fallait demander« 

Emilie et Julien s’inquiètent de leur relation qui a tant changé, comme si le quotidien avait tout emporté, ne laissant plus de place à ces précieux moments à deux qui ont dégringolé sans qu’ils s’en aperçoivent dans l’échelle des priorités. Emilie se dit harassée ; il lui semble que les événements lui échappent, qu’elle perd pied, qu’elle n’y arrivera pas… et, comme une coupable, elle avoue la perte de son désir : « Le soir, je suis à bout, je n’ai qu’une envie, c’est de dormir. Je n’en peux plus, je ne m’en sors pas. Il y a trop de choses…», tente-t-elle d’expliquer à son mari. Mais Julien se sent agressé : « Qu’est-ce que tu me reproches ? Si tu as besoin d’aide, tu n’as qu’à me le demander ! ». Emilie se sent incomprise. Mais comprend-t-elle seulement, elle-même, ce qui lui arrive ? Est-elle vaincue par une réalité excessive (le nombre des choses à faire) ou alertée par une limite intérieure (c’est trop pour moi) ? Elle et Julien en viendront-ils à reconnaître et valoriser l’implication de chacun dans le fonctionnement de leur foyer et à s’en féliciter ? Ou chercheront-ils à répartir leurs tâches différemment ?

Mais autre chose est à pointer : la perception par chacun de ce qu’il a à faire. Ainsi, Violaine essaye de dire à Thomas dont elle partage la vie depuis 10 ans qu’il a beau prendre largement sa part des tâches ménagères, elle est « lasse de penser à tout ». Mais quand Thomas lui répond qu’il fait « tout ce qu’il peut pour l’aider », elle réalise que tant qu’il se considèrera comme son « aidant », elle restera bien gestionnaire, planificatrice et contrôleuse en chef ! Ce rôle lui convient-elle ? Ou préférera-t-elle renégocier avec Thomas leur pacte de vie à deux en partageant davantage la responsabilité du tout ? Et qu’est-ce que cette réflexion lui révèle de ses exigences et représentations à elle (un intérieur rangé, une alimentation saine, les vertus du « faire soi-même »…) ? Violaine et Thomas sont désormais face à des choix qui ne regardent qu’eux.

On n’efface pas si facilement des décennies de stéréotypes qui nous ont menés de l’image de l’épouse discrète et soumise à la ménagère parfaite puis à la femme performante et sexy en passant (même !) par Wonder-woman. L’idéal de la femme désirante et désirable en même temps que professionnelle accomplie, mère sublime, amie disponible et maîtresse de maison sans chichis et sans reproche, flotte toujours quelque part entre mythe et fantasme, chez l’homme comme chez la femme. Mais, parallèlement, les choses changent. Il est de plus en plus admis que personne n’est parfait. Pas plus que son prince, n’existe la princesse charmante. Chacun est libre de faire ce qu’il peut, en renonçant au reste. Il est donc possible de se proposer à soi, et aussi en couple, de faire de nouvelles expériences, de varier les rôles et de chercher ensemble où l’on se sent le plus vrai et le plus confortable.

Anne de la Brunière – article publié dans le magazine Com’ sur un plateau n°8 – Juin 2018

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